Ma position, comme celle de mon groupe, ne vous étonnera pas. Votre budget et ses horreurs ne nous surprennent plus après huit années de macronisme, mais notre résolution à les combattre reste sans faille. Puisque nous sommes à l’article 49, j’en profite pour rappeler que nous sommes, et resterons, opposés à toute logique de limitation de financement, notamment en matière de santé. Votre Ondam vise avant tout la maîtrise de la dépense, alors que nous voulons la santé pour toutes et tous, comme pour nos enfants après nous. Peu importent vos concessions du jour, qui ne permettront pas de régler durablement les problèmes auxquels sont exposés les soignants en burn-out, l’hôpital sous-financé ou les malades entassés, en ce moment même, dans les salles d’attente. Au-delà du principe, il y a aussi le fond. Votre projet, malgré les quelques concessions faites dans la souffrance qu’impose une négociation avec le Parti socialiste – nous sommes bien placés pour le savoir – comporte 7 milliards de coupes budgétaires – ramenées à 6. Ce sont 6 milliards de moins pour nos hôpitaux, qui devront encore fermer des lits, fermer des services, trier des patients et tenir avec des soignants à bout de souffle. Ce sont 6 milliards de moins pour nos soins de ville, alors que les déserts médicaux s’agrandissent, que les files d’attente s’allongent et qu’on souffre d’un manque chronique de médecins traitants. Ce sont 6 milliards de moins pour l’autonomie, alors que les plus de 65 ans représentent un Français sur cinq et que le vieillissement de la population appelle à un financement massif des Ehpad. Ce sont 6 milliards de moins pour des investissements massifs en prévention, la seule manière d’éviter durablement la hausse des dépenses de santé. Nous ne voterons jamais pour un article qui réduit drastiquement les dépenses de santé face à la hausse tendancielle des besoins. Un autre projet est possible : celui d’un monde où les dépenses de santé sont guidées par les besoins de la population et l’accès aux soins de toutes et tous, et non pas par un objectif de maîtrise des dépenses publiques. Ce monde n’existe pas dans votre projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), et cet article sur l’Ondam en est la preuve. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Excusez-moi de ne pas participer à l’enthousiasme qui a l’air d’être partagé par une grande partie de l’Assemblée s’agissant de ces amendements ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Ayant été secrétaire de comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), je suis très choquée par ces amendements : nous risquons d’ouvrir la boîte de Pandore et de mettre la pression sur les salariés ! « Arrêt de travail » et « télétravail » : ces mots ne vont pas ensemble. Une personne en arrêt de travail n’est pas capable de travailler, que ce soit sur le lieu du travail ou à son domicile. (Mêmes mouvements.)
Ça va être compliqué de prendre la suite ! (L’hilarité persiste sur tous les bancs.) Je laisse passer un peu de temps, mais je comprends. Madame la ministre, nous connaissons la difficulté pour une femme d’être enceinte, de gérer une grossesse, d’avoir des enfants ; cela peut devenir un frein à l’évolution de sa carrière au sein de l’entreprise, une source de discriminations dans le monde du travail. Si cette visite cesse d’être obligatoire, certaines femmes n’oseront pas la demander et ce sera dommage, car nous passerons à côté de situations où le médecin du travail, qui est en rapport avec l’employeur, pourrait par exemple discuter de divers aménagements du poste afin de répondre aux besoins liés à l’arrivée d’un enfant. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
L’article 28 est un fourre-tout où s’accumulent les régressions du droit des travailleurs. La limitation des arrêts de travail à quinze jours est tout simplement aberrante : les médecins prescrivent des arrêts en fonction de justifications médicales et non comptables ! À peine 10 % des arrêts de travail dépassent quinze jours et l’on voudrait nous faire croire qu’ils sont le problème le plus important de la sécu ? Le gouvernement cible ensuite les personnes arrêtées pour incapacité temporaire : celles et ceux dont la santé est trop fragile pour leur permettre de travailler et qui ne parviendront pas à faire reconnaître une incapacité permanente seront donc laissés sans ressources. Dans le même temps, le gouvernement ménage largement les employeurs et cautionne les pratiques maltraitantes. Que dire de la suppression de la visite médicale obligatoire après un congé maternité ? Non content de faire des économies sur le dos des malades, le gouvernement vise à présent les femmes qui ont des enfants ! Une belle mesure à porter au crédit de celui qui demande un réarmement démographique… Et rien sur la prévention ou la santé physique et mentale des travailleurs. Rien sur les conditions de travail ! Vous l’aurez compris, cet article n’est ni acceptable ni amendable et nous vous proposons tout simplement de le supprimer. Rétablissez plutôt les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) !
Monsieur le rapporteur général, vous dites que l’amendement n’a pas grand-chose à voir avec le PLFSS, mais c’est justement dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 qu’on a introduit l’obligation de produire ce rapport. Madame la ministre, si je formule cette demande, c’est parce que les établissements ne font pas tous l’effort de transmettre leur rapport à la CDSP. Il faut donc mener une évaluation pour comprendre où ça coince !
Les chiffres sont édifiants : à mesure que les lits ont fermé, que les effectifs ont fondu, que la formation a disparu, l’isolement et la contention ont pris de la place dans les établissements psychiatriques. Ces pratiques, inacceptables du point de vue des libertés publiques et du respect de la dignité humaine, doivent nous alerter. En 2022, 76 000 patients ont été hospitalisés sans leur consentement ; plus d’un tiers ont été placés à l’isolement et 8 000 ont fait l’objet d’une contention mécanique – ils sont restés attachés durant des heures. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 a créé un registre et institué l’obligation, pour les établissements, de produire un rapport annuel incluant une évaluation des pratiques de coercition. Cependant, les transmissions restent rares et on a du mal à accéder aux informations. C’est pourquoi je demande un rapport sur le sujet. Nous devons être éclairés sur l’étendue de l’application des mesures coercitives aux personnes malades et mieux en connaître les modalités. Il s’agit de faire respecter l’obligation d’information inscrite dans la loi : chaque année, un rapport doit être rédigé et transmis à la commission départementale des soins psychiatriques sans consentement (CDSP).
Sous couvert d’incitation financière, l’article 27 instaure une logique particulièrement perverse pour notre système de soins. Des établissements qui choisiraient de ne pas répondre à certains besoins bénéficieraient ainsi de moyens supplémentaires au titre des économies qu’ils permettraient du même coup à l’assurance maladie de réaliser. Les établissements qui, eux, refuseraient votre logique, se verraient pénalisés financièrement. Derrière l’affichage de l’efficience et de la pertinence, nous voyons une gestion du système de santé par la pénurie. L’idée qui sous-tend cet article est que les médecins sont des surprescripteurs multirécidivistes et que les assurés sociaux sont des surconsommateurs irrationnels. Cette mesure est dangereuse, en particulier pour les hôpitaux publics déjà gravement sous-financés. Nous proposons de supprimer l’article, qui constitue une nouvelle attaque frontale contre l’hôpital public et donc contre les patients et les personnels qui y travaillent. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Il propose de conditionner l’ouverture de nouvelles cliniques privées à la garantie d’un reste à charge zéro. Les dépassements d’honoraires ont considérablement augmenté ces dernières années dans les cliniques privées. Selon un rapport du Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie de 2025, les dépassements d’honoraires des médecins spécialistes représentent 4,3 milliards en 2024, soit une augmentation moyenne de plus 5 % par an depuis 2019, hors inflation. Toujours selon le HCAAM, dans une clinique privée, 80 % à 90 % des patients sont confrontés à des dépassements. Or plus d’un tiers des Français ont déjà renoncé à des soins ou à des équipements médicaux au cours des quatre dernières années. Les dépassements d’honoraires contribuent à produire un système de santé à deux vitesses, dans lequel les plus riches peuvent accéder à des soins de qualité rapidement et les plus précaires subissent de plein fouet les coûts budgétaires de la santé publique. Il est plus que temps de stopper le développement des centres de santé privés lucratifs. La santé ne doit pas être une manne pour des acteurs financiers qui cherchent à dégager des bénéfices toujours plus gros sur le dos des patients.
Alors que 1,2 million d’agents de la fonction publique hospitalière attendent depuis 2021 la protection sociale complémentaire, l’article 23 tend à reporter de deux ans encore son application. Les agents, dont près de 75 % sont des femmes, travaillent déjà dans des conditions dégradées par le sous-effectif et par les tensions constantes nées des coupes budgétaires décidées par le gouvernement. Ils sont encore privés du remboursement de leurs soins par leur employeur, alors qu’ils cotisent comme les salariés des autres secteurs. La protection sociale complémentaire devrait donc leur être accordée. On s’appuie sans hésiter sur le personnel hospitalier, lorsqu’il s’agit de nous soigner, mais dans le même temps, on lui refuse la prise en charge complète de ses propres soins. Qui peut trouver cela acceptable ? En attendant que le « 100 % sécu » voie le jour pour couvrir l’intégralité des frais de santé, donnons au moins aux agents de la fonction publique hospitalière la protection complémentaire dès 2026.
Il tend à ce qu’un rapport soit rédigé pour évaluer le nombre de mineurs hospitalisés dans les services de psychiatrie pour adultes. Le nombre de lits en psychiatrie ayant drastiquement diminué ces dernières années, les jeunes de plus de 16 ans sont fréquemment orientés vers le service de psychiatrie adulte. D’après la Cour des comptes, au sein de certains services d’urgence psychiatrique parisiens, 86 % des jeunes entre 15 et 18 ans ont été hospitalisés en service de psychiatrie adulte entre 2019 et 2021. Une autre étude indique que, dans les Hauts-de-France, 94 % de ces services sont amenés à prendre en charge des adolescents. Cette situation expose ces jeunes à un risque de traumatisme majeur car l’environnement psychiatrique adulte est totalement inadapté aux situations cliniques rencontrées par les enfants et les adolescents, en plus de soulever des questions d’ordre juridique. Les pratiques d’isolement, de soins sans consentement et de contention sont particulièrement préoccupantes lorsqu’elles concernent des mineurs. L’ampleur du phénomène d’hospitalisation des patients mineurs dans les services de psychiatrie adulte reste encore peu connue, et nous manquons de données en la matière. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Je reviens sur la question du financement de la psychiatrie. Par le présent amendement, nous demandons un rapport évaluant la mise en œuvre de la réforme du financement de la psychiatrie de 2023 et les inégalités de financement entre les établissements publics et privés de psychiatrie. La psychiatrie publique souffre du retard de financement accumulé durant les dernières décennies. La réforme du financement de 2023 met fin à la dualité de financement entre les deux secteurs ; néanmoins, les modes d’attribution des dotations continuent à favoriser les établissements privés, leurs homologues publics ne pouvant pas répondre aux critères de la même manière. Nous souhaitons donc évaluer les pistes susceptibles de garantir au secteur de la psychiatrie publique un financement à la hauteur de ses besoins, et assurer une étanchéité des enveloppes entre les secteurs public et privé. C’est une demande directe de la FHF qui nous alerte en permanence sur la nécessité de veiller à l’équité de financement entre les établissements publics et privés. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur plusieurs bancs des groupes EcoS et GDR.)
Il est étonnant que, sur le seul article visant à simplifier et sécuriser le financement des établissements de santé, vous parliez de tout, sauf de la manière d’assurer des dotations suffisantes aux établissements – notamment les établissements publics. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Vous évoquez des mesures techniques – dématérialisation des échanges, pérennisation du coefficient honoraire ou création de groupements de coopération sanitaire (GCS), par exemple. Mais j’aborderai un sujet plus simple et qui me tient particulièrement à cœur : la psychiatrie. En cette année de grande cause nationale, comment se fait-il qu’aucun article du PLFSS ne traite du financement de la psychiatrie publique, pourtant en crise ? (Mêmes mouvements.) Elle souffre d’un retard de financement, accumulé au fil des décennies. La Cour des comptes a montré qu’entre 2008 et 2018, le financement des établissements de psychiatrie privés avait augmenté de 46,9 %, contre seulement 12,7 % pour les établissements publics. La grande cause nationale, dont je rappelle qu’elle représente un investissement de 1,66 euro par personne, devrait au moins permettre de questionner l’effondrement de la psychiatrie publique, et en particulier celui de la pédopsychiatrie – même si la faiblesse des dotations concerne en réalité tous les secteurs. À cet égard, la création de dispositifs comme la dotation populationnelle ou les missions d’intérêt général et d’aides à la contractualisation (Migac) visait à mieux répondre aux besoins de chaque établissement. Or, avec cet article, vous voulez supprimer la consultation des fédérations représentatives des établissements de santé, qui sont pourtant les plus à même d’exprimer leurs besoins. Nous regrettons que le seul article portant sur la sécurisation du financement des établissements de santé n’évoque pas la privatisation croissante de notre système ni la défense de nos établissements publics. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Je voudrais savoir, madame la ministre, si cela concerne des professionnels libéraux : votre réponse déterminera mon vote. De nombreux psychologues, psychomotriciens, ergothérapeutes exercent dans des CMP. Il serait opportun de sauver la psychiatrie publique et nos CMP, en leur allouant tous les moyens possibles, en particulier des professionnels capables de prendre en charge ces troubles. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Nous sommes plutôt favorables à cet amendement, qui marque une réelle avancée et qui devrait permettre d’ouvrir une discussion sur les congés menstruels – ou gynécologiques. (Exclamations sur les bancs du groupe EPR.) Je ne comprends pas pourquoi vous réagissez ainsi dès que l’on évoque les femmes et des congés conçus pour leur permettre de faire face à des difficultés qu’elles peuvent connaître tout au long de leur vie. La ménopause et l’endométriose sont de vrais sujets. On doit pouvoir en débattre. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – M.Édouard Bénard applaudit également.)